« Nous nous remîmes au travail avec une
ardeur nouvelle ; jamais je n'ai passé dix minutes dans une aussi vive
exaltation. Durant cet intervalle, nous déterrâmes complètement un coffre de
forme oblongue, qui, à en juger par sa parfaite conservation et son étonnante
dureté, avait été évidemment soumis à quelque procédé de minéralisation,
peut-être au bichlorure de mercure. Ce coffre avait trois pieds et demi de
long, trois de large et deux et demi de profondeur. Il était solidement
maintenu par des lames de fer forgé, rivées et formant tout autour une espèce
de treillage. De chaque côté du coffre, près du couvercle, étaient trois
anneaux de fer, six en tout, au moyen desquels six personnes pouvaient s'en
emparer. Tous nos efforts réunis ne réussirent qu'à le déranger légèrement de
son lit. Nous vîmes tout de suite l'impossibilité d'emporter un si énorme
poids. Par bonheur, le couvercle n'était retenu que par deux verrous que nous
rimes glisser, - tremblants et pantelants d'anxiété.
En un instant, un trésor d'une valeur incalculable s'épanouit, étincelant, devant nous. Les rayons des lanternes tombaient dans la fosse, et faisaient jaillir d'un amas confus d'or et de bijoux des éclairs et des splendeurs qui nous éclaboussaient positivement les yeux.
Je n'essayerai pas de décrire les sentiments avec lesquels je contemplais ce trésor. La stupéfaction, comme on peut le supposer, dominait tous les autres. Legrand paraissait épuisé par son excitation même, et ne prononça que quelques paroles.
En un instant, un trésor d'une valeur incalculable s'épanouit, étincelant, devant nous. Les rayons des lanternes tombaient dans la fosse, et faisaient jaillir d'un amas confus d'or et de bijoux des éclairs et des splendeurs qui nous éclaboussaient positivement les yeux.
Je n'essayerai pas de décrire les sentiments avec lesquels je contemplais ce trésor. La stupéfaction, comme on peut le supposer, dominait tous les autres. Legrand paraissait épuisé par son excitation même, et ne prononça que quelques paroles.
( …)
Le
coffre avait été rempli jusqu'aux bords, et nous passâmes toute la journée et
la plus grande partie de la nuit suivante à inventorier son contenu. on n'y
avait mis aucune espèce d'ordre ni d'arrangement ; tout y avait été empilé
pêle-mêle. Quand nous eûmes fait soigneusement un classement général, nous nous
trouvâmes en possession d'une fortune qui dépassait tout ce que nous avions
supposé. Il y avait en espèces plus de quatre cent cinquante mille dollars, -
en estimant la valeur des pièces aussi rigoureusement que possible d'après les
tables de l'époque. Dans tout cela, pas une parcelle d'argent. Tout était en or
de vieille date et d'une grande variété : monnaies française, espagnole et
allemande, quelques guinées anglaises, et quelques jetons dont nous n'avions
jamais vu aucun modèle. Il y avait plusieurs pièces de monnaie, très-grandes et
très-lourdes, mais si usées, qu'il nous fut impossible de déchiffrer les
inscriptions. Aucune monnaie américaine. Quant à l'estimation des bijoux, ce
fut une affaire un peu plus difficile. Nous trouvâmes des diamants, dont
quelques-uns très-beaux et d'une grosseur singulière, - en tout, cent dix, dont
pas un n'était petit ; dix-huit rubis d'un éclat remarquable ; trois cent dix émeraudes
toutes très-belles ; vingt et un saphirs et une opale. Toutes ces pierres
avaient été arrachées de leurs montures et jetées pêle-mêle dans le coffre. Quant
aux montures elles-mêmes, dont nous rimes une catégorie distincte de l'autre
or, elles paraissaient avoir été broyées à coups de marteau comme pour rendre
toute reconnaissance impossible. outre tout cela, il y avait une énorme
quantité d'ornements en or massif, - près de deux cents bagues ou boucles
d'oreilles massives ; de belles chaînes, au nombre de trente, si j'ai bonne
mémoire ; quatre-vingt-trois crucifix très-grands et très-lourds ; cinq
encensoirs d'or d'un grand prix ; un gigantesque bol à punch en or, orné de
feuilles de vigne et de figures de bacchantes largement ciselées ; deux poignées
d'épées merveilleusement travaillées, et une foule d'autres articles plus
petits et dont j'ai perdu le souvenir. Le poids de toutes ces valeurs dépassait
trois cent cinquante livres ; et dans cette estimation j'ai omis cent
quatre-vingt dix-sept montres d'or superbes, dont trois valaient chacune cinq
cents dollars. Plusieurs étaient très vieilles, et sans aucune valeur comme
pièces d'horlogerie, les mouvements ayant plus ou moins souffert de l'action
corrosive de la terre ; mais toutes étaient magnifiquement ornées de
pierreries, et les boîtes étaient d'un grand prix. Nous évaluâmes cette nuit le
contenu total du coffre à un million et demi de dollars ; et, lorsque plus tard
nous disposâmes des bijoux et des pierreries, - après en avoir gardé
quelques-uns pour notre usage personnel, nous trouvâmes que nous avions
singulièrement sous-évalué le trésor. »
Le scarabée d’or, Edgar Allan Poe
Source: Textes libres
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire